Une histoire d'abus de Content ID
/!\Ceci est le script de ma chronique pour l'épisode 9 de Game Dolls Advance.
/!\/!\/!\/!\/!\/!\ Une bonne partie des screenshots de cette chronique ne sont plus trouvables car Layne McDonald a supprimé une grande partie de son catalogue Youtube, son site internet a encore changé, et maintenant propose un outil de conversion de cryptomonnaie sans doute pour aider les familles dans le besoin (c'est du sarcasme).
Bonjour à toustes et bienvenue dans ma chronique ! Aujourd’hui, je vais vous parler d’une personne, qui navigue dans les eaux troubles du capitalisme, entre la musique, le cinéma, l’intelligence artificielle… Notre histoire commence donc un jour comme tous les jours dans le domaine publique, c’est à dire en recevant une notification d’infraction aux droits d’auteur par Content ID sur ma propre musique.
Capture d'écran de Youtube Studio, on y voit la liste des uploads de la chaîne de Rrrrrose Azerty. Sur l'album Monplaisir - Draft est entouré en jaune la mention Droits d'auteur dans la section restrictions.
Ca veut dire, dans les grandes lignes, que quelqu’un a trouvé ma musique quelque part, l’a mise en ligne sur un site de distribution (5) – c’est à dire les sites qui permettent de verser la musique sur les sites de streaming comme Spotify ou Apple Music – et a activé Content ID. Deux choses en découlent logiquement :
- Premièrement, ma musique se retrouve sur les plateformes de streaming sous un autre nom, que ça soit un nom différent sur le libellé Artiste mais aussi sur le libellé Nom du morceau. Il y a aussi une nouvelle image associée en couverture et parfois la musique est légèrement altérée, ça peut être un authentique remix de la chanson, ou parfois juste une altération de la tonalité du morceau, un étirement dans le temps, un effet chelou sur le mix…
- Deuxièmement, Content ID est activé. Si vous ne connaissez pas Content ID, c’est un détecteur d’empreinte numérique développé par Google, un des plus populaires mais il en existent d’autre comme par exemple Audible Magic qui est le détecteur d’empreinte numérique qui est utilisé par Amazon pour Twitch. Content ID permet de bloquer totalement l’usage d’un extrait sonore ou vidéo sur Youtube et Soundcloud, ou de détourner la monétisation des contenus en ligne ayant l’extrait sonore ou vidéos dans la base de données de Content ID. Ce qui veut dire que toute personne utilisant ma musique à des fins commerciales, ce qu’elles ont le droit de faire, se voit perdre leur monétisation et la personne usurpant mon travail la récupère.
Donc, comme parfois j’aime bien faire, et rager pour le reste de la journée, je fais un petit tour sur tous mes albums uploadés sur Youtube pour vérifier si je n’ai reçu de nouvelles notifications de Content ID. L’année 2024 ayant été assez mouvementée, je n’avais pas pu faire de vérifications en plusieurs mois, donc j’avais du travail de notifications en retard. Une bonne dizaine.
Le travail, il consiste à scruter les vidéos Youtube sur lesquels je reçois des notifications d’infractions, et ensuite je contacte les services de distributions de musique qui sont responsables de l’activation de Content ID par e-mail. Pour ça il faut trouver le contact e-mail qui peut être bien caché dans des termes d’utilisation ou bien parcourir un enfer de discussions avec des robots pour obtenir un contact avec un humain responsable des infractions à l’usage de Content ID ou du copyright. Il faut ensuite rédiger un message expliquant la situation, attendre entre 2 semaines et plusieurs mois pour avoir une réponse, ponctué par un nombre indéterminé de relances. Ce truc là, j’ai à le gérer plusieurs fois par mois parfois pour maintenir mon catalogue de musiques libres dans le domaine publique accessible pour toustes, et toute personne faisant de la musique sous licence doit gérer ce genre d’usurpation. Et ça c’est quand je reçois moi-même la notification, parfois je ne les reçois pas mais j’ai unxe utilisateurice de mes musiques qui m’interpelle alors sur les réseaux. Je tiens d’ailleurs à les remercier de ça.
Bref, je vais où avec ça ? Hé bien le 1er octobre, je me suis dit que j’allais faire ce taff pour supprimer mes infractions Content ID. J’en balaye quelques unes et il y a un nom qui revient plusieurs fois, celui de Layne McDonald.
Capture d'écran de Youtube Studio, dans la section Informations sur les droits d'auteur de l'albym Monplaisir - Pas Chassé. On y voit une ligne appelé Contenu Utilisé mentionnant la chanson Blew de Layne McDonald avec un timecode.
Sur la capture d’écran, vous remarquerez que ça indique « Aucun impact » mais c’est parce que je ne monétise pas mes vidéos Youtube. Si je monétisais, il y aurait indiqué que cette personne récupère l’argent de la monétisation.
Capture d'écran de Youtube de la page de la vidéo Action Investigation de Layne Mcdonald, l'indication "uploadé il y a 2 ans" est notée, le screenshot datant de 2025.
Capture d'écran de Free Music Archive du titre Actione Investigation de l'album The Binge Watchers Score 1 par Komiku, la mention "released on april 09, 2017" est présente (en français "sorti le 9 avril 2017").
Je tombe dessus sur une musique qui porte directement le même nom que la chanson qu’il me pique, elle s’appelle Action Investigation, que j’ai sorti en 2017 sous le pseudo Komiku quand j’étais obsédée par la musique de Cristobal Tapia de Veer après avoir regardé la première saison de Dirk Gently.
Y’a un truc qui me travaille avec ce profil. C’est d’abord la photo de profil de sa chaine Youtube et ensuite le pseudo. C’est un prénom et un nom, ce qui est assez rare, la plupart du temps ce sont des pseudos difficiles à retrouver ensuite en faisant des recherches google. Certes, des Layne Mcdonald, il y en a sans doute plusieurs mais si on fait une recherche avec Layne McDonald et Music, les choix se restreignent très vite.
Capture d'écran de la page Youtube de Layne McDonald avec la section "à propos" ouverte. On y voit entre autre de sliens ver sun site internet personnel, un lien IMDB, un lien Linkedin et un texte introductif à son travail indiquant entre "Support Familiers in Need with Every View" (Soutenez des familles dans le besoin avec toutes les vues de mes vidéos) ainsi que des mots clefs de développement personnel et une insistance sur le fait que son travail est charitable pour les enfants dans le besoin.
Du coup j’ai cliqué sur sa page youtube, et j’ai vu qu’il avait un site internet. Malheureusement, je n’ai pas d’image du site internet qu’il avait début octobre, et même en utilisant Wayback Machine, je ne l’ai pas trouvé parce qu’il a l’air de changer l’esthétique de son site internet très régulièrement, genre tous les 2 mois.
Capture d'écran du site internet personnel de Layne McDonald avec le titre "Art That Gives back" (l'art qui donne en retour) et le sous titre "Every Film, video, or song played gives back to families in need" (Toustes les films, vidéos, ou chansons jouées donnent en retour à des familles dans le besoin).
C’est un peu frustrant parce qu’il y avait dans mes souvenirs une petite phrase qui disait à la troisième personne qu’il était joignable par téléphone à un numéro particulier mais qu’il ne répondait pas tout le temps parce qu’il était très occupé à travailler dans son studio d’enregistrement de musique. Et ça me fait rire parce que, spoiler alert, je pense sincèrement qu’il n’a enregistré quasi aucun des morceaux disponibles sur sa page Spotify.
Capture d'écran du site internet de Layne Mcdonald montrant un texte ainsi qu'une intégration d'album provenant du site Soundcloud.
Capture d'écran des commentaires sur la page soundcloud de l'album en question. La plupart des commentaire sdisent que c'ets des bruits de vagues.
Alors c’est rigolo parce qu’actuellement sur son site internet, il fait la promotion d’un nouvel album qui s’appelle « Rise » qui va sortir en 2025, avec des histoires personnelles et passionnelles de son amour pour Jesus Christ mais quand on clique sur le soundcloud, ça renvoie à une page artiste qui s’appelle Aria avec des titres qui s’appellent tous Sample Track uploadés y’a environ 7 ans, et c’est que des bruits de vagues ?
Bref, je vois un formulaire de contact alors je lui envoie un message concernant l’utilisation de ma musique.
Je continue mon clean des strikes Content ID et retombe sur une notification de Layne McDonald, cette fois-ci pour un morceau qu’il appelle Do not Forgive et qui est un morceau que j’ai publié sous le pseudo Monplaisir qui s’appelle Don’t forgive me que j’ai sorti en 2017, une improvisation de guitare folk comme j’en ai beaucoup fait.
Capture d'écran de la page Youtube de Do Not Forgive de Layne Mcdonald, uploadé il y a un an.
Capture d'écran de Free Music Archive montrant la page du titre Don't Forgive Me de Monplaisir sur l'album Draft uploadé le 20 avril 2017.
Je tombe ensuite de nouveau sur une nouvelle notification de sa part, cette fois-ci pour un morceau qu’il appelle Blew, et qui est un morceau que j’ai publié sous le pseudo Monplaisir qui s’appelle bleu, une improvisation de guitare électrique avec des effets comme j’en ai beaucoup fait aussi.
Capture d'écran de la page Youtube de Blew de Layne Mcdonald, uploadé il y a un an.
Capture d'écran de Free Music Archive montrant la page de la chanson bleu de Monplaisir de l'album Pas Chassé, uploadé le 16 janvier 2018.
Le boug m’énerve un peu alors du coup je commence à essayer de chercher des choses sur cette personne et je tombe sur sa page Twitter.
Capture d'écran de la page Twitter de Layne Mcdonald montrant un avatar clairement fait avec de l'intelligence articificielle, un bandeau indiquant qu'il est producteur executif et coach en créativité avec des recommendations ainsi qu'une liste de titres qu'il a eu en 2023 et une liste de liens pour voir son travail.
Ca indique qu’il travaille dans le cinéma, la télévision et la musique depuis trois décennies, qu’il a travaillé sur des blockbusters hollywoodiens, avec des musiciens et musiciennes qui ont gagné des awards et qu’il est docteur ! En quoi, je ne sais toujours pas, mais il est docteur ! Incroyable parcours !
Capture d'écran de la page d'image stock du site de Layne Mcdonald montrant des photos de lieux et de drone ainsi qu'un texte descriptif.
Du coup, je parcours son site internet et je vois qu’il vend, en plus des pack de musiques libres de droit, des images stock. Dans sa description, ça indique que les achats des images aident à lever des fonds pour aider des familles qui luttent contre la maladie infantile, et qu’un achat permet d’obtenir une très jolie œuvre mais aussi aide une famille ! On sait pas quelles familles, il y a pas de lien vers une cagnotte au cas où on voudrait faire un don direct… Mais quelle philanthropie ! Et ça continue sur une description de qui est Layne McDonald avec plus de détail, et notamment sur ses travaux. Il a travaillé sur la Passion du Christ et Polar Express ! Ca veut dire qu’il a une page IMDB !
Capture d'écran de la page IMDB de Layne McDonald.
On y apprend qu’il bosse en tant que monteur, notamment sur des films comme The dark Knight Rises, mais aussi pour des clips de Will.i.am, de Justin Bierber ou encore Nicki Minaj.
Je continue de fouiller un peu et j’ouvre par hasard la page de Do not forgive sur Apple Music, et ça montre les personnes créditées à la composition et parole.
Capture d'écran de la page Apple Music de Do Not Forgive de Layne Mcdonald.
C’est donc des métadonnées écrites lors de l’upload sur le site de distribution avant l’activation de Content ID. On y voit deux noms. D’abord, étrangement honnête, le mien sous le pseudo Monplaisir. Mais aussi Day Butler.
Et vous allez me dire « Mais Rose, enfin, c’est qui Day Butler ? »
Capture d'écran de la page Apple Music de Jay Butler.
Hé bah j’ai cherché sur Apple Music et cette personne a une page avec deux albums ! Et c’est rigolo parce qu’il y a un album qui s’appelle Pigeons Diary ! Trop bien ! Quelqu’un qui aime les pigeons ! Comme moi ! J’imagine qu’il y a aucun rapport et que ça n’a rien à voir avec ma musique !
Capture d'écran de la page Apple Music de Act of Fate de Jay Butler.
Capture d'écran de Free Music Archive de l'album PIGEONS ARE THE BEST de Monplaisir.
Donc quand on lance les morceaux, c’est littéralement l’album que j’ai publié sous le nom Monplaisir, qui s’appelle PIGEONS ARE THE BEST, et la personne a changé tous les titres des morceaux et n’a malheureusement pas gardé le titre du 4ème morceau Hard XxX Ultra Yaoi Psychedelic Death of Vintage Cluster Bomb Of Glitter. Le morceau s’appelle chez ellui Act of faith.
Ce qu’il y a de drôle, c’est quand on va voir d’autres morceaux que Layne Mcdonald a volé, ce ne sont pas les mêmes crédits qui sortent des morceaux. Pour Action Investigation, c’est lui seul qui a composé, et non pas Komiku.
Capture d'écran de la page Apple Music de la musique Free to You de Layne Mcdonald.
Capture d'écran de Free Music Archive montrant la chanson Free To Use 3 de l'album Free To Use de Monplaisir.
Pour Free to You qui est un morceau composé sous le nom Monplaisir qui s’appelle Free To Use 3 qui est une impro de guitare folk – oui j’avais pas d’inspi ce jour là pour les noms de morceau, c’est l’année où j’ai sorti 80 albums, chut – il crédite Gedeo à l’interprétation et Christopher Pabon à la composition/paroles.
Et je vous vois venir « Mais Rose, diantre, qui c’est Gedeo ? » Hé bah j’ai cherché sur Apple Music et cette personne a sorti un album ! Et c’est rigolo parce que tous les morceaux font la même durée que tous les morceaux de l’album Free To Use sorti sous Monplaisir !
Capture d'écran de la page Apple Music de Zrem de Layne Mcdonald.
Capture d'écran de Free Music Archive du titre ZREM de l'album Et Recule de Alpha Hydrae.
Pour Zrem, qui est un morceau de drone harsh noise que j’ai publié en 2015 sous mon premier pseudo musical Alpha Hydrae, il a crédité The Wander Found qui, je vous le donne sans suspense, a deux albums sur sa page et qui ne sont que des rip off de mes deux albums sortis sous Alpha Hydrae appelé Et Recule et Vaisselle Sale.
Bon, je crois qu’on a compris que Layne Mcdonald me tire une bonne partie de mon catalogue, et crédite des faux comptes artistes sur les plateformes. Ca, concrètement, je ne sais pas d’où ça vient. Impossible de trouver des liens entre tous ces comptes comme ça avec de la recherche internet. Je ne sais pas si Layne Mcdonald est tombé sur mes musiques via leurs comptes, si ces comptes sont peut-être des vendeureuses de musique libre de droit tiré ça et là comme on peut en trouver sur Fiverr (j’ai mené une enquête sur ce sujet que vous pouvez trouver sur mon blog), ou bien si ce sont des faux comptes qui appartiennent à Layne Mcdonald lui même.
Quand on écoute le reste de Layne Mcdonald, on tombe sur des musiques assez génériques dans leur production, notamment sur tout ce qui touche à la musique électronique. Pour tout ce qui est étiqueté avant 2023, il peut s’agir soit d’une production personnelle, soit d’une exploitation de musique libre de droit. Vu que je ne reconnais pas ces musiques, il y a un monde où c’est lui qui les a produite, mais comme dirait une chanson cursed de Youtubeur des années 2010, j’ai comme un doute. Y’a moyen que ça soit du libre de droit, ou bien que ça soit de la musique produite via un algorithme ou une IA.
Je me suis tout de même posée la question. Parce que sur Qobuz, il est possible d’avoir une métadonnée qui est la société de production ou le label.
Capture d'écran de la page Qobuz de l'album Music Laboratory, Pt.1 de Layne Mcdonald.
Et sur les albums de Layne Mcdonald, on peut lire « LM Records », qui pourrait être une abréviation de « Layne Mcdonald Records » et si on clique dessus, on voit plein de trucs qui ne sont pas lui. Alors je me suis demandée si il était producteur d’albums, peut-être ? Et en fait, j’ai recherché une des artistes présentes dans ces listes, Rebecka Larsdotter, mais en fait, il s’agissait de L&M Records. Les métadonnées envoyées aux sites de distribution ne doivent pas aimer les esperluettes, ce qui rajoute encore plus à la confusion de tout ce que je viens de vous raconter.
Capture d'écran de la discographie Spotify de Layne Mcdonald où l'on voit de nombreuses pochettes réalisées par intelligence artificielle.
On est en droit de se demander, qu’est devenu récemment Layne McDonald ? Il a produit 28 albums durant l’année 2024, un résultat impressionnant. Et quand on écoute la qualité du son, notamment les voix, car ça chante, il y a un effet étrange. Pour moi il n’y a aucun doute à se faire, c’est de la musique générée par intelligence artificielle. Layne McDonald n’est pas à son coup d’essai là dessus, les images qu’il utilise comme avatars sont pour la plupart générée par IA, alors pourquoi s’arrêter en si bon chemin.
Enfin, il n’aura répondu à aucun de mes messages. Peut-être est-il coincé dans son studio de génération de musique par intelligence artificielle.
Il y aurait encore plein de pistes à creuser pour comprendre un peu plus le Layne Mcdonald Universe, notamment sur les métadonnées des label ou en cherchant sur toutes les pistes des potentiels liens avec des attributons à des comptes artistes sur certains sites de streaming.
Mais alors qu’est-ce que ce récit nous dit ?
- Première chose. WAW Layne Mcdonald, le gonz il a bossé sur du film à gros budget, il est dans les ptits papiers de toutes les grosses productions et il passe son temps à pomper la musique libre de droit. Je ne sais pas à partir de quand je risque le procès en diffamation de la part d’un libertarien en puissance ici, mais quelle raclure. On fait genre on donne à des familles dans le besoin mais on pompe toute la bonne thuthune des gens qui donnent littéralement leur créativité à toustes les personnes qui ont pas les moyens d’y avoir accès et aux personnes qui veulent l’utiliser en leur bon droit.
- Deuxième chose. Ca montre à quel point il n’y a juste aucun garde fou concernant l’usage de Content ID ou l’usurpation de créativité numérique - parce que là je ne vous parle que de musique, mais c’est évidemment quelque chose qu’on retrouve dans le travail de l’image, du logiciel… J’ai évidemment cherché à contacter des camarades compositeurices libristes pour se fédérer, trouver des moyens, monter un lobby de défense des licences Creative Commons, mais y’a jamais rien eu de concret qui en est sorti à part des personnes qui disent « poursuis les toustes en justice ». Euh bah, non, j’ai pas les moyens ni les cuillères de faire ça seule en fait. Le problème c’est pas l’action en justice, en fait, c’est l’isolement. Devoir combattre seule en permanence une des conséquences de l’expansion du capitalisme pour sauvegarder une ressource collective culturelle, c’est déjà drainant. Ca en devient parfois absurde quand on replace tout ça au milieu du réel, ça semble presque futile de perdre son énergie à défendre l’accès libre à toustes à un morceau de fichier numérique sonore. Quand je m’épuise à ça, seule, le à quoi bon, il est très souvent là.
- Troisième chose et ça sera mon passage conclusif. C’est encore une fois une démonstration de comment fonctionne l’industrie capitaliste de la musique numérique actuellement. Les sites de distribution ne font rien pour empêcher l’apparition d’usurpation de créativité, ne background check pas les droits avant l’activation d’un outil aussi puissant que Content ID, collaborent avec les lobbys d’ayant droits et pour certains pratiquent la casse de syndicat comme chez Distrokid cette année et Songtradr l’an dernier chez Bandcamp.
Concernant les plateformes de streaming, elles sont relativement similaires même si le fond du caniveau du service streaming est Spotify. La plateforme pullule de faux comptes pour gonfler les statistiques, rien n’est fait en sorte pour que son catalogue rende accessible l’émergence de quoi que ce soit, comme on l’a vu lors de ma chronique sur les moteurs de recherche. C’est aussi une plateforme qui a voulu porter plainte contre 5 chercheureuses qui voulaient de la transparence sur comment Spotify faisait son traitement de données, ce qui leur a donné l’idée d’écrire en 2014 la très bonne enquête Spotify Teardown. Il y a quelques jours, la journaliste Liz Pelly a écrit un article appelé « The Ghost in the Machine » dans le magazine Harpers sur le programme PFC, Perfect Fit Content, développé en interne chez Spotify, où l’on apprend que des morceaux enregistrés spécifiquement pour ce programme, que Spotify va moins rémunérer, devaient être insérés de force dans les playlists suggérés aux auditeurices, volant de l’espace aux compositeurices de musique qui voient leurs revenus baisser. Ces personnes créant pour le PFC ont souvent un nombre incalculable de faux noms d’artistes qui ne font échos à aucune existence autre que sur Spotify, et ces créations ne sont produites que pour baisser les coûts, et vont inexorablement laisser place au fur et à mesure à de la musique composée par de l’intelligence artificielle. (36) On rappelle que sous prétexte d’accélérer l’usage de l’IA au sein de Spotify, 600 postes ont été supprimés en janvier 2023, 200 en juin 2023 et 1200 d’annoncés de supprimés en décembre 2023. On rappelle aussi que Daniel Ek, le CEO de Spotify, gagne plus que Taylor Swift et Drake réuni·e·s et investit dans des sociétés de développement d’IA militaire en soutien à l’armée israélienne, hein.
Alors est-ce qu’une bonne résolution en 2025, ça serait pas le piratage et l’abandon progressif des sites de streaming accessibles par sites de distribution ? Et aussi, une réelle fédération des créateurices numériques et un p’tit lobby de protection du domaine publique ? Voilà !
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