Observations à chaud suite au premier Atelier de jeux musicaux international de Aix en Provence à l’Esaaix du 2 février 2024.
Oscillation de 5 à 11 participanxes sur la fin de l’atelier (8 étudianx, 2 professeur-e-s et moi-même). Nous avons joué à 3 parties de Musique Bravo ainsi que 2 rounds du jeu du cycle de la vengeance.
Durant les parties de Musique Bravo, les étudianx se sont emparés des instruments mis à disposition sur place. Celleux ayant ramené des outils ont joué avec leurs outils, celleux qui ont pris les instruments conventionnels sont restés essentiellement sur ces instruments (Guitare/clavier pour enfant) mais souvent avec une démarche expérimentale individuelle et ludique. Celleux ayant commencé avec des pratiques sonores détachés des instruments classiques (shakers et percussions, voix, boite à rythme, petits objets métalliques) sont restés sur ces pratiques et ont souvent impliqué plus la voix et la spatialisation. Les retours ont été variés mais très positifs sur les expériences, des performances parfois jugées longues et un peu entêtantes, d’autres plus proches de tunnel de transe.
Les parties du cycle de la vengeance ont vu plus de variations dans leur mise en application. Les consignes étant de base plus absurdes par leurs mises en forme (dessins, mots, perméabilité du papier avec les feutres à alcool, objets rajoutés sur/dans/autour de la feuille d’instructions, couleurs), les deux premières performances impliquaient des instruments de musique ou des éléments référentiels à la musique (instruments de musique, choeurs vocaux, rythmes) et se sont détachés au fur et à mesure de la musique pour devenir des situations totalement détachées.
Une certaine frustration me vient des parties de Musique Bravo, que j’applique, surtout comparés aux possibilités du jeu du cycle de la vengeance, qu’il y a une trop grande implication des instruments de musique à l’intérieur des performances émergentes de Musique Bravo dans sa configuration actuelle. C’est en grande partie de ma responsabilité, mettant de nombreux objets et instruments à disposition et qui invitent à les utiliser, sans mettre la même emphase sur la possibilité d’exister et participer dans l’espace de jeu sans prendre d’instruments, mais en étant dans l’interaction de l’observation.
Plusieurs solutions à cette frustration :
-Réarranger Musique Bravo, par une « désextension », c’est à dire une version abrégée mais augmentée aussi qui se débarrasse des cartes poussant à l’utilisation d’instruments de musique et petits objets, avec une inclusion de cartes d’ordre poussant à une plus grande écoute ou à un travail d’imagination interne appliqué à la sensorialité. C’est une solution que je trouve très intéressante mais peu pratique dans l’immédiat car les fichiers de travail de Musique Bravo ne sont pas avec moi à Aix en Provence (mais pourront l’être au moment où je reviendrai à la mi mars). Rien n’empêche une possibilité de conceptualiser les ordres ainsi que les titres des cartes qui pourront s’ajouter au deck existant ainsi que de définir les cartes qui ne servent pas cette utilisé. Le jeu peut aussi avoir un nouveau nom lié à cette « désextension »
-Une autre solution plus excitante, développer un nouveau jeu qui amènerait directement vers un coeur de jeu autour de la pratique de la perception du temps qui passe et l’observation. J’imaginai avoir des actions, des objets et une temporalité définissables qui pourraient être tiraes au hasard pour ensuite devenir une idée de performance applicable sur l’instant. Le jeu pourrait être utilisable seul ou à plusieurs dans le cadre de perception du temps commune. Je vais définir mes idées pour ce jeu plus loin dans ce texte.
Je pense que cette frustration, à un certain moment, proviendra aussi du jeu du cycle de la vengeance, qui se veut particulièrement dans l’action et peu dans le fait d’écouter ou de ne rien faire. A la fin, c’est surtout moi qui mets de l’emphase dans ces pratiques d’actions et d’instruments car j’ai encore peu confiance en la capacité d’attractions d’ateliers de pratique de perceptions du temps, surtout parce que je suis moi-même en doute de ce que je cherche à accomplir avec ce travail de réflexion.
Les étudianx en art sont prompts à faire tout plein d’expérimentations et ont rapidement des idées de jeux. Dans ce cadre, je me demande si ma participation à ses ateliers en tant que performeureuses est intéressante ou non. J’ai peur de brider une certaine forme de participation de leur part, notamment celleux moins à l’aise à prendre la parole, et j’ai peur d’appliquer aussi une pratique et vision de la performance du temps qui m’est propre et empêcher une émergence libérer de mon impact. Cependant, pour un public néophyte à mes ateliers, je me demande si il n’est pas aussi important pour moi de montrer une certaine forme de pratique qui peut les aiguiller. Aussi, ne pas participer me semble me mettre dans une position plus professorale qui ne me plaît pas dans ce cadre. C’est un laboratoire d’expérience et je pense qu’il est important que j’en fasse aussi parti pour comprendre aussi mes propres comportements dans ce que je considère comme étant musical ou non. Je ne suis pas sûr-e que les ateliers permettent la désaliénation au temps capitaliste, mais sont des ouvertures vers des pratiques/considérations qui peuvent ensuite amener vers une pratique individuelle ou collective d’une forme de situation de perceptions du temps. Le cadre de l’atelier se veut réellement laboratoire, il reste une pression de performance et d’attente aux règles de jeux. Le jeu impose des comportements ou incite parfois à les contourner.
Idées autour du nouveau jeu de perception/observation :
-Conserver la définition d’une temporalité, qui est le coeur même de la perception du temps. Cette temporalité peut avoir une définition quantifiable en secondes tout comme peut être une suggestion (« Le temps qu’un ange passe » ; « L’éternité » ; « Instantanément et recommencer X fois » ; « Jusqu’au prochain clignement d’oeil » ; « Au prochain cri d’oiseaux » ; « jusqu’à avoir prononcé telle formule » ; « Des secondes tirées avec des ensembles de choses à proximité que l’on peut compter comme 5 caillous-minutes et 14 fenêtres-secondes...)
-Permettre l’émergence de pratiques qui ont l’air un peu absurdes comme ce tweet un peu con que j’avais écrit « Est-il possible de jouer 4’33’’ au piano tout en étant assise sur le siège du piano en chantant et jouant du ukulele en même temps ? ». C’est à dire des pratiques d’observations du temps qui passent tout en même temps laissant la place à l’existence du quotidien.
-Si l’idée est de permettre l’intégration de l’observation et la perception du temps qui passe dans une idée de se désaliéner de la perception du temps capitaliste, il faudrait peut-être trouver des stratagèmes qui incitent à l’improductivité/à la destruction de représentations du capitalisme/au sabotage de la création de valeur purement capitaliste
-Inclure la perception du sensoriel physique mais aussi psychique, les vers d’oreille, les écritures, images et voix internes à chacunxe dans la considération de l’existant temporel.
-Un générateur sur internet serait merveilleux pour permettre une utilisation à toustes depuis Itch, mais une version physique facile à reproduire serait tout aussi merveilleuse pour ne pas avoir besoin d’électricité et une connexion internet pour y accéder en dehors de sa première découverte. Il faudrait donc quelque chose qui soit facilement imprimable et montable. Un jeu de cartes serait idéal, comme un système de tirage de tarot. Tirer une carte d’interaction avec l’espace-temps (regarder, écouter, toucher, tourner sa langue dans sa bouche, tapoter l’air, écrire sur une grande surface, écrire sur une affiche, écrire par dessus l’écriture de quelqu’un-e d’autre), tirer une carte d’existant si l’action tirée le demande (soi, un animal, quelque chose d’une couleur spécifique, le vide à un mètre de soi, une personne consentante, une personne de neige), puis tirer une carte de temporalité. S’exécuter.