Journal de résidence à l'Esaaix, Entrée 08

Mon dieu ça fait plus d’une semaine que je n’ai pas écrit de logs et ô combien j’ai des choses à raconter. Le temps passe à une vitesse incroyable, c’est super excitant mais aussi très frustrant. Je ne sais pas où donner de la tête, entre les moments de déprime totale liée à la fatigue, à une certaine solitude à s’insérer dans le quotidien des gens, aux départs de certaines personnes qui me font du bien pour de longues périodes, à l’inéluctabilité de la fin des choses, et les moments d’euphorie d’idées et de concepts à créer collectivement, des rencontres et retrouvailles, des émotions intenses pour des moments, des lieux, des temps, des gens, des pastis et des pizzas énervées, des retours tardifs dans les rues de Marseille, des concerts cool et de la construction du temps…
Mais il faut que j’écrive sur cette dernière chose merveilleuse que l’on a coconstruite avec Louise Brzzz, la Noise Battle.

Les premières étapes de pensées pour construire la Noise Battle étaient juste de s’affronter soniquement. Mais se balancer du son l’unxe sur l’autre, c’est « juste » jouer ensemble et il n’y a pas la notion un peu ludique de la confrontation. Il fallait donc qu’il y a une idée de prendre la parole l’unxe après l’autre et de définir une temporalité.
Dans notre configuration, pour le concert à La Salle Gueule de prévu ce dimanche 18 février, nous avions 30 minutes de set de prévu. On s’est dixes que ça serait pas mal d’avoir la battle puis une session de jeu ensemble pour terminer le set, fixée à 6 minutes. Ce qui nous laissait 24 minutes pour la battle.

On est d’abord partixes sur un tirage du temps au hasard avec une application, on devrait jouer chacunxe notre tour le temps tiré et arrondir le dernier tirage sur le reste du temps maximum de jeu. Si on tirait 3 minutes et 44 secondes, on fait un tirage pierre/feuille/ciseau en une manche pour savoir qui joue d’abord, puis la personne qui gagne joue avec un chronomètre sur 3’44’’ puis ensuite c’est à l’autre personne de jouer 3’44’’. C’était fun quand on l’a répétae comme ça, la contrainte du temps imposée brise des dynamiques sèchement si on ne voit pas le temps filer et peut provoquer frustration, envie de développement et aussi des idées de performance à priori selon la durée tirée. La contrainte est qu’il faut garder les yeux sur le chrono, chose qui peut être arrangée si une tierce personne s’occupe à modérer cette temporalité.

Puis nous avons discuté avec un camarade de Data qui nous a suggéré que l’on pouvait faire comme dans un jeu d’échec, et cette idée nous a vraiment plus. Nous sommes donc parties sur une idée de temps de parole. Nous avons 12 minutes chacune pour nous exprimer comme on le souhaite, il faut juste trouver un moyen de signifier que l’on a fini de parler pour que l’autre personne puisse ensuite commencer à jouer.
Le concept de temps de parole donné est chouette pour d’autres raisons. Il permet de laisser aller l’imagination longtemps, de développer des idées jusqu’à leur quasibout (il reste une contrainte de temps de 12 minutes), et d’improviser comme on le sent. Le soucis que l’on doit garder en tête est que si on prend trop de temps, il n’en restera plus beaucoup pour la suite. Mais ça permet aussi de jouer sur la surprise de la temporalité avec l’autre joueureuse. Par exemple jouer une poignée de secondes et redonner la parole très vite. Peut aussi donner un effet de ping pong et de microjeu entre les joueureuses, et casser la performance parfois pensable en expression sonore calibrée format chanson en une succession frénétique d’éclats sonores ou de silence.

Pour une première, c’était un succès. Nous avions un public assez restreint mais pour la plupart acquis à la cause noise et interpelae par l’appellation Noise Battle. Nous avons reçu des bons retours d’expérience, avec des suggestions sur les dynamiques de jeu.
Comme pistes de réflexions sur lesquels agrandir la bataille bruitiste :
-Jouer à plus que 1vs1. La dynamique 2vs2 peut être fun, surtout entre personnes ayant l’habitude de jouer en duo. Avoir un espace scénique avec 2 personnes d’un côté et 2 personnes de l’autre qui blastent est drôle. L’idée serait de faire plusieurs rounds avec non pas une interversion de côté d’un-e joueureuse mais au contraire que les joueureuses restent sur place et qu’une personne de chaque côté joue en même temps puis on passe à l’autre. Le soucis du plus de 1v1 serait l’expression de la fin du temps de parole qui serait plus difficile à exprimer. Ou bien trouver une méthode pour signifier aux autres joueureuses de la même équipe que l’on souhaiterait arrêter de parler dans les prochaines secondes.
-Disposer un ensemble d’objets sonores au lieu d’avoir des instruments attitrés. Avec Louise, nous avons joué d’un côté avec des synthétiseurs modulaires et de l’autre avec une guitare avec des pédales d’effets. Il serait possible que chacunxe vienne les mains dans les poches et ait à se débrouiller avec les outils mis à disposition sur la scène pour exprimer le bruitisme.